Lac Tanganyika

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Plongée insolite : Dans le lac Tanganyika…

Archive parue dans le magazine Octopus en mai 2013. «Amateurs de plongées extraordinaires et d’aventure, j’ai trouvé pour vous un véritable paradis sur terre. Un lieu où l’horloge s’arrête, qui fait oublier tous nos tracas, que vous ne voudrez plus quitter. C’est donc avec nostalgie que j’écris cet article, accompagnée de l’enthousiasme de partager cette fabuleuse expérience. Au mois de février nous sommes partis (avec Mélanie ma binôme de vie) pour quatre semaines en Tanzanie. Le programme était « simple » : ascension du mont Kilimandjaro suivie de safaris dans la région d’Arusha, puis fin du séjour pour un repos mérité à Zanzibar.
Cependant comment accepter d’être dans cette région du monde sans observer ce qu’il se passe sous la surface du mythique lac Tanganyika lorsque l’on est passionné de poissons? Pour ceux qui ignorent ses caractéristiques il s’agit du lac le plus long au monde (660km), le deuxième plus profond avec jusqu’à 1436m de hauteur d’eau, il est situé à la frontière entre la Tanzanie, la Zambie, le Congo, et le Burundi. Le plus fabuleux est qu’il abrite de multiples espèces endémiques appartenant au groupe des Cichlidés (98% des 250 variétés vivantes), dont les couleurs et les particularités sont plus étonnantes les unes que les autres. Citons par exemple les très connus haplochrominiens qui incubent et abritent leurs petits dans leur bouche en cas de danger, et dont le mode de reproduction en T est très évolué. Il nous a fallu dans un premier temps chercher à savoir comment s’y rendre et où plonger, ce qui n’a pas été une mince affaire, nous a couté une journée de recherches intensives et peu fructueuses mais nous ne voulions pas abandonné si facilement. Nous avons donc pris un premier bus, cap plein sud en direction de Mbeya depuis Arusha (comptez 56000TSH soit environ 28euros par personne, départ à 6h30 et arrivée à 23h30). Après une nuit dans le bus garé sur le parking nous en prenons un second pour rejoindre Subawanga ( Comptez 17000 TSH/personne, départ à 8h30, arrivée à 16h si tout va bien).
A destination avec 2h de retard pour cause d’embourbement du bus sur la piste, nous avons trouvé chez Dadoo guesthouse (10000TSH en chambre double) un confort suffisant que nous avons particulièrement apprécié après ce périple. Et oui, après Mbeya la route est en construction, les portions d’asphalte sont encore rares et avec les pluies ça n’arrange rien. Pour manger dans cette ville nous vous conseillons le Moravian Conference Centre, ou alors le country club un peu plus cher mais qui sont des valeurs sûres (le Holland hôtel a bonne réputation également mais évitez les autres lieux si vous voulez manger autre chose que du riz avec des haricots, des chapatis, boire des sodas, du thé ou du café sinon au risque de tomber malade). Le lendemain matin nous avons pris un dernier bus (départ à 10h, billet à 10000TSH par personne) en direction de Kirando, nous nous sommes arrêté à Katongoro. De là il vous faudra trouver un moyen pour rejoindre les berges du Tanganyika, nous avions décidé de marcher les cinqs derniers km. Une demie heure plus tard un pick up s’arrête et nous propose de nous déposer à Kipili, il s’agit d’un ingénieur originaire d’Afrique du Sud qui travaille pour la construction des routes et qui justement se rend au Lakeshore lodge pour le week end.

Ce lodge est l’unique lieu à notre connaissance où il est possible d’organiser ses plongées simplement (de toute manière on avait trouvé aucun autre endroit, ni même ne serait ce que pour louer du matériel), il s’agit du seul centre PADI de Tanzanie sur le lac. J’avais donc contacté par mail les propriétaires pour savoir si nous pouvions venir et j’avais reçu une réponse positive en moins de 24h. Nous nous faisons déposés chez les frères bénédictains qui tiennent une mission située dans le village de Kipili afin de nous débarrasser de nos bagages dans une petite chambre simple mais propre, avec douche et toilettes (comptez seulement 13500TSH la nuit à deux). Puis nous empruntons la piste qui mène au lake shore lodge afin d’organiser notre plongée pour le lendemain. Une petite balade de 20 minutes à pied est nécessaire pour se rendre de l’autre côté de la colline.

Quand vous entrez dans la propriété vous avez l’impression d’être dans un autre monde, un véritable paradis, comme dans les cartes postales que vous collectionnez sur votre bureau, ou le fond d’écran de votre ordinateur... Le personnel composé d’habitant du village, est très accueillant, à l’image de leurs patrons Chris et Louise dont la gentillesse impressionne. Un véritable havre de paix avec sa petite plage de sable blanc, ses « chalets » au bord de l’eau. Le tout respectueux de l’environnement car ici toute l’électricité est solaire. Nous faisons donc connaissance, nous passons un peu pour des acharnés qui viennent uniquement dans le but de plonger et rester seulement deux jours sur place. Surtout quand Chris un peu embêté nous annonce que pour la première fois en sept ans un crocodile rode dans les parages, qu’il aurait tuait un enfant deux semaines auparavant à la tombée du jour et qu’une femme qui nageait s’est faite mordre le bras…Il nous assure cependant que Jaspar un ancien plongeur-pêcheur avec 7 ans d’expérience qui plongera avec nous n’est pas inquiétez car dans le nord du lac où il travaillait il en a rencontré plusieurs fois sans jamais se sentir en danger. Il nous demande alors si on est vraiment certains de vouloir y aller car il ne se sent pas d’annuler de lui-même alors que l’on a fait exprès 3 jours de bus. Sans hésitation nous confirmons notre volonté de plonger. Une fois les démarches administratives effectuées (comptez 70$ par plongée tout inclus, un gros avantage à préciser est que l’on peut payer par carte bancaire), nous indiquons nos tailles pour le matériel (nous n’avions pris que nos masques avec ordinateurs, APN, et parachute). Le rendez-vous est fixé à 8h le lendemain matin.
Le soir nous mangeons en compagnie des frères Robert et Joseph qui sont d’une extrême bonté, le diner est copieux, une prière est faite avant le repas mais ils acceptent tout le monde ce qui est une véritable leçon de vie de nos jours. Je ne vous cacherai pas leur étonnement quand on leur a dit qu’on été là uniquement pour voir des poissons, même pas pour les capturer.

La plongée

Au petit matin nous arrivons au lodge, le bateau équipé de deux fois 75ch est prêt, le matériel est à bord rangé dans des sacs identifiés avec nos prénoms, il y a même une serviette pour chacun ! Avant le départ Chris nous dit que le crocodile a été vu dans la nuit tout près, la police a patrouillé pour l’abattre mais ne l’a pas trouvé, il veut s’assurer une dernière fois que l’on n’ait pas changé d’avis. Je demande auprès de Louise si ça ne la dérange pas que son mari vienne avec nous et elle me répond que c’est plus dangereux de prendre le bus en Afrique que de plonger dans le lac. Une dernière vérification sur internet : les attaques de plongeurs semblent extrêmement rares, c’est ok on y va. Nous partons en direction de l’ile située en face du lodge où demeure un petit village de pêcheurs. Après 20 min de navigation nous découvrons des gros blocs qui naissant de la surface. L’eau est magnifique, un gros bateau de plongeurs-pêcheurs est sur le spot, c’est bon signe car ils ne seraient pas là si le crocodile avait été vu. Au moment où nous mouillons une barque de pêcheur s’approche, on nous informe que le croco a été tué et mangé la veille au soir. Cette nouvelle n’est pas pour nous déplaire. Chris nous fait un super briefing, nous explique les principales espèces que nous pourrons rencontrer et leurs particularités.

 

Une fois équipés nous nous mettons à l’eau. Immersion jusqu’à -6m pour un bububle check et dès lors nous sommes émerveillés par la visibilité qui est d’au moins 20m ! Fabuleux pour une plongée lacustre. Sur les premiers blocs de pierre nous apercevons une multitude de ces poissons si caractéristiques. Les couleurs de leur robes n’ont rien à envier à leurs cousins des récifs coralliens. Les Julidochromis Dickfeldi sont vraiment très élégants. On se croirait dans un aquarium ! On peut voir des Lamprologus Callipterus femelles cachées dans leur coquillage et le mâle qui les déplace. Ces mâles font des nids de coquilles de Neothauma en se les volants les uns aux autres (avec des femelles dedans), ces nids peuvent avoir 200 coquilles, c'est pourquoi on les appelle des conchylicoles. Une petite anguille noire tachetée de jaune nommée Mastacembelus Moorii, vit sa vie sur le fond sableux. Elle est magnifique. Les intrus que nous sommes la pousse à se cacher derrière une pierre. Nous continuons notre circuit autour de l’ilot. A 12m un beau Boulengerochromis microlepis, de 50cm au moins nous étudie. Il s’agit du plus gros des cichlidés, nous restons plusieurs minutes à le contempler puis nous descendons jusqu’à 25m à la recherche d’énormes poissons chats qui mesurent plus d’un mètre, mais ce ne sera pas cette fois ci que nous aurons la chance de les rencontrer. Chose surprenante, nous sommes dans un lac et en petite combinaison humide je n’ai pas du tout froid, normal l’eau est à 28°C, un vrai bonheur. Dans la zone des 15-18m impossible de se tromper, nous observons les fameux Cyphotilapia frontosa avec leur bosse sur la tête si caractéristique, ils sont considérés comme les rois du Tanganyika par les aquariophiles. Nous passons dans un dédale de rochers puis dans un petit tunnel d’une dizaine de mètre de longueur. Nous poursuivons notre parcours accompagné d’espèces toutes plus intrigante les unes que les autres. Quel spectacle que de voir danser les bancs dans le bleu ! Nous attaquons lentement la remonté, inutile de rester trop longtemps « profond » si l’on veut profiter pleinement du spectacle. La majorité des poissons sont si petits, leur taille est inférieure à 10cm en moyenne, tellement vifs et craintifs qu’il est difficile de les prendre en photo. Il y en a tellement, la multitude des espèces est telle qu’on ne sait plus où donner de la tête. Nous ne sommes pas de trop à trois photographes dans la palanquée à essayer d’effectuer quelques clichés pour partager avec vous leur beauté. Arrivés près du bateau il nous reste 60 bars. Ok il est temps de remonter, nous faisons un palier de sécurité de 5min. Nous sommes à presque 800m d’altitude tout de même et nous ne voulons pas prendre de risque. Et puis dans 5m d’eau la vie est d’une richesse si époustouflante, qu’on ne voit pas passer le temps. De retour à bord après 64 min de pur bonheur je n’ai plus qu’une seule idée en tête : retourner plonger !

A notre retour le repas de midi nous attend (compter 30$ pour deux), la qualité est exceptionnelle, nous n’en revenons pas de manger mieux que dans la plupart des restaurants semi gastronomiques français dans un coin aussi reculé. Le riz au citron servi avec le poisson était magique, sans parler du granité à l’ananas… Nous sommes attablés avec Chris, Louise, et notre conducteur de la veille. C’est un très agréable moment d’échange, Chris nous promet une plongée encore plus belle pour le lendemain matin sur les rives d’une autre ile toute proche de la rivière. Je lui demande si l’on peut pêcher sur le lac et le départ est aussitôt fixé à 6h le lendemain matin avec le voisin. L’après midi nous allons voir les ruines d’une des plus vieilles églises de Tanzanie à quelques pas du lodge. Le point de vue est époustouflant. Nous dinons encore une fois avec les frères et c’est des images plein la tête que nous nous endormons.
L’orage éclate très tôt le matin, impossible de sortir. A 7h nous nous rendons au lodge, le pêcheur est d’accord malgré tout pour que l’on aille tremper les lignes une petite heure. L’eau est teintée et les prises seront petites. C’est tout de même sympathique d’apprendre leur technique, le jig : ils utilisent une sorte de palangrotte avec des hameçons argentés sans appâts, qu’ils mobilisent à l’aplomb de la barque de haut en bas et ça marche ! J’ai réussi à attraper 6 poissons d’un coup !
De retour au lodge pour un petit déjeuné de luxe, Chris nous annonce que ça ne vaut pas le coup d’aller plonger, les pluies ont rendu la visibilité quasiment nulle. Quel dommage, mais je me dis que cela constituera une très bonne raison de revenir au lac Tanganyika…

Nous nous occupons donc les pieds dans l’eau, pour ma part en lisant le dernier numéro d’octopus acheté avant notre départ de France à l’aéroport. Le midi nous mangerons encore magnifiquement bien, un bruit d’hélicoptère vient animer cet instant, l’engin (une superbe machine de 6 places) atterrit avec ses deux pilotes pour passer la journée ici et continuer sa route le lendemain matin. Comme nous n’avons pas pu plonger il nous a été possible de tester pour vous une bandas au lodge (comptez 190$ pour deux en pension complète). Lorsque nous découvrons notre chambre, c’est de nouveaux un choc émotionnel, le lit est énorme, la décoration somptueuse, tout est parfait et pensé dans les moindres détails et avec goût. Les douches et sanitaires communs sont d’une splendeur et d’une propreté remarquables. Nous sommes encore une fois conquis. Pour digérer nous faisons une partie d’échec, puis à 16h nous décidons d’aller chercher nos affaires chez les frères. Chris insiste pour que l’on prenne le quad afin que l’on ne rentre pas tard. En nous voyant arriver les enfants du village nous ont de suite rejoins, ils ont eu donc droit à un petit tour de véhicule, quel plaisir de voir leur sourire !

De retour au lodge, nos hôtes nous font la surprise d’aller observer le coucher de soleil sur le lac pour l’apéro. Nous allons à l’embouchure de la rivière observer les oiseaux dont un tout particulier appelé jesus bird car il donne l’impression de marcher sur l’eau. Ce soir les hippopotames ne sont pas présents. Le retour se fera sous la lumière de la pleine lune, un spectacle féérique ! De retour sur la plage la table est mise ornée de bougies. Le diner ne déroge pas à la règle en nous comblant de bonheur. Louise nous fait savoir que tout est organisé pour notre départ le lendemain matin, le problème c’est que l’on ne veut plus partir…
Le retour s’est effectué sans encombre (mais avec un gros pincement au cœur) après que Chris nous ait déposé (il vous en coûtera 5$ par personne), nous avons pris le bus une dernière fois pour Subawanga et le jour suivant nous nous sommes envolés pour Dar Es Alam (370$ par personne tout de même mais en 5h30 vous éviterez 2 jours intenses de bus). Peut-être que comme nous vous aurez d’ailleurs la chance de voir la première dame du pays dans ce petit aéroport… Arrivés à Dar Es Alam nous avons trouvé en 5 minutes un autre vol (négocié à 50$ par personne) pour Zanzibar d’où j’écris ces lignes sur un transat avant de retourner plonger demain sur le récif de Memba, mais ceci est une autre histoire…

Pour les petits budgets c’est une destination qui se mérite, je vous avais bien parlé d’aventure au début ! J’espère que mon récit vous aura donné envie d’aller tremper vos palmes dans cette région du monde car le jeu en vaut la chandelle croyez moi. Alors maintenant que vous avez toutes les informations nécessaires pour préparer ce voyage de rêve n’hésitez plus...
Si avant de vous rendre au lac Tanganyika vous désirez observer ses fameux habitants, sachez qu’il est possible de se rendre au club « Association Marseillaise de Cichlidophiles » à Marseille. Les membres sont de véritables passionnés, toujours disponibles pour vous présenter leurs spécimens, jamais avares d’explications, c’est en grande partie grâce à eux que nous avons décidé de vivre cette expérience. Accueil chaleureux garanti ! Contact : Local 4 Ex - Centre Commercial de Frais-Vallon 13013 Marseille 04 91 66 81 52
Pour ceux ne vivant pas dans le sud vous pouvez en savoir plus sur www.francecichlid.com .
Remerciements à Laurent BASSET pour son aide à l’identification des espèces.

Brice MASI
Contacts : www.safaritourtanzania.com
Lake Shore Lodge, Lake Tanganyika (Tanzania)
info@safaritourtanzania.com (+255 684 540 792 OU +255 752 540 792)

Infos pratiques

La meilleure période semble être la basse saison en hiver car aux mois de juin juillet aout le lodge est complet. Malgré la saison des pluies vous y serez tranquilles, l’eau est chaude et la pluviométrie n’est pas si élevée que cela. Les bus sont spartiates, les places très étroites, et il n’est pas rare de voir des poules sous les sièges. Un transfert en 4*4 peut se faire avec le lake shore lodge pour éviter les joies du bus. Normalement avec la construction de la route l’accès devrait être de plus en plus aisé.
Turquish airway propose certainement les meilleurs tarifs en direction de Dar Es Alam (d’où l’on peut prendre un bus ou un avion, la meilleure option) et Arusha.
Il est possible de trouver des billets d’avion entre Dar Es Alam et Mbeya pour environ 200$ l’aller mais à l’heure actuelle il est plus intéressant d’atterrir à Subawanga.
Pour pouvoir plonger au lodge il faut être certifié car pour l’heure il n’ont pas d’encadrant, le matériel est en très bon état, il y a un compresseur et les blocs sont des 12l acier. Un kit d’oxygénothérapie est embarqué sur le bateau ainsi que le matériel de sécurité. Les plongées se font donc en totale autonomie ce qui est très plaisant, accompagné tout de même de Jaspar et/ou Chris qui vous feront découvrir avec passion les sites.
Il est même envisageable d'organiser avec Chris le patron, une semaine sur les rives du lac en partant avec le bateau, le matériel de plongée, un compresseur et des tentes afin d’accéder à des sites plus éloignés ou encore inexplorés pour partir à la rencontre de nouvelles espèces. Son expérience avec un célèbre expert en cichlidés dans ces conditions sont un réel avantage.
Pour les non plongeurs il y a de quoi s’occuper, la plage est un très bel endroit pour se prélassé, des sorties en bateau peuvent être programmées, on peut faire du snorkeling, des kayaks sont en location ainsi que des quads. Des excursions dans les parcs nationaux tout proches peuvent aussi être envisagées. »

L'équipe Click-Dive, site de réservation spécialisé en plongée, vous souhaite de belles immersions.

Brice MASI

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