Selon la légende, tel un don des dieux, les sept îles toscanes se formèrent lorsque Vénus naquit des eaux et que le diadème de perles qui ornait son front se brisa. Les perles s’éparpillèrent à la surface de la mer et, par enchantement, devinrent les îles de l’archipel toscan dont Elbe, la troisième des plus grandes îles italiennes après la Sicile et la Sardaigne. Ici commence donc l’ailleurs.
Le voyage a de tout temps inspiré les hommes et gravé dans leurs esprits tout un univers de trésors enfouis, de nature sauvage, exubérante et de mythiques Robinson. Chaque déplacement sur la planète ou bien au-delà change le cours de la vie et assouvit les rêves du plus humble des chercheurs au plus célèbre des découvreurs. Comprendre un pays, c’est déjà voyager.
Quelques traits de pensée talentueux transforment les images originales d’une planète presque imparfaite, avec une complicité pas très sérieuse. Juste pour le plaisir : celui de partager une passion. L’esprit demeure en mouvement, seule la mémoire est immobile. Parcourir le monde sans autre finalité que de vouloir vivre sa vie, au contact de la nature vraie si possible. Comme lorsque le vent et les vagues vont dans le même sens. L’instabilité magnifique de l’harmonie. Sensation sublime.
En ces temps incertains de bouleversement de notre environnement, l’envie pour moi de côtoyer une nature authentique s’intensifie. Au bord des rivages fortement urbanisés, l’océan est perçu comme le dernier paysage intact où je peux laisser mon âme vagabonder. Même si la mer est utile à l’homme, notre intérêt pour elle ne doit pas reposer sur les seuls bénéfices matériels que nous pourrions en tirer. Il importe aussi d’en préserver son charme et ses énigmes. Chaque jour, des drames et d’émouvantes histoires se déroulent sur les flots, sereins ou tempétueux. Près des côtes et autour des îles se trouvent encore quelques parcelles de nature où de belles aventures restent à vivre et de fabuleux mystères à découvrir. Et il y a encore de nouvelles histoires extraordinaires à raconter.
L’île de Napoléon Bonaparte
Exilé dix mois dans la Palazzina dei Mulini à Portoferraio près du fort Stella, du 4 mai 1814 à 14.00 au 26 février 1815. De ce balcon naturel, un véritable jardin sur la mer, il pouvait fuir la chaleur étouffante et contempler son île natale, la Corse juste en face à une cinquantaine de kilomètres. La Villa di San Martino, résidence de campagne de l’ancien empereur, n’est pas dénuée d’intérêt non plus. En effet, cette île n’est pas seulement connue pour ses eaux cristallines, la beauté et les couleurs de ses paysages ou encore la richesse de ses minéraux. Son histoire, très liée à celle de la France, justifie un voyage ici avec la visite des palais et des musées. L’accueil de Napoléon par la population fut assez chaleureux. En effet, parallèlement à la restauration des bâtiments, l’empereur déchu apporta de grandes améliorations de nature publique. Il s’occupa entre autre des chiens sauvages, de l’hygiène publique et de la construction de nouvelles routes.
“Le climat tempéré de l’île garantissant des températures douces pendant toute l’année, il m’est aisé d’alterner les visites culturelles, randonnées et farniente sur les plages avec quelques immersions sous-marines.” Au gré de mes envies. Et j’en profite…
Riccardo, le responsable de « Diving In Elba » m’accueille à Portoferraio très chaleureusement. Son français est parfait, nettement meilleur que mon italien ! Cela aide aux échanges… A noter qu’à mon arrivée, il me propose une bouteille en alu que je peux remplir d’eau à souhait afin de limiter l’usage des bouteilles en plastique. Un très bon point dès le départ.
Après une nuit douce et agréable dans mon hôtel particulièrement confortable au bord de la mer Tyrrhénienne, une heure de navigation par mer calme me permet de découvrir Pianosa, l’île plate qui est une ancienne prison du XIXème siècle, à 13km au sud d’Elbe. La plongée y est très réglementée. Avec autorisation préalable, les clubs peuvent y venir seulement quelquefois dans la semaine. Cette île un peu mystérieuse n’est ouverte au tourisme que depuis 2013 et une quinzaine de personnes y vivent à l’année. Cinq bouées y sont installées car c’est maintenant un Parc Marin National.
Le sec aux mérous (bouée n°3) fait partie des plus belles plongées que je connaisse en Méditerranée. On y dénombre de nombreuses espèces de poissons peu farouches dont des castagnoles en bacs serrés, des girelles et autres labridés à la robe multicolore. Mais la particularité de ce site, c’est le nombre incroyable de mérous avec en particulier Moana, un bon mètre de longueur, qui recherche tout particulièrement la caresse des plongeurs. C’est lui qui vient à nous et sans nourrissage je précise. Comme quoi, le comportement animalier reste encore à découvrir. La présence de corbs, dentis et sérioles est également assez fréquente pendant ces presque soixante minutes d’immersion. De nombreux barracudas, du plus petit au plus gros nous entourent alors que nous observons sans difficulté une bonne dizaine de raies aigles. Elles restent toutefois toujours à distance suffisante pour m’empêcher de réaliser un cliché qui me satisfasse. Le tout sur un fond de posidonies en parfaite santé.
Une petite collation à base de focaccia (spécialité culinaire italienne) et de pastèque est la bienvenue pendant l’intervalle de surface d’une heure.
Ensuite Paola, Aline, Riccardo et moi plongeons à la bouée n°5, sur une superbe grotte près de l’îlot de la Scola, dont l’entrée se situe à douze mètres. Une grande ouverture à gauche apporte une belle lumière rassurante pour les débutants et la sortie se fait à droite vers vingt-cinq mètres. A l’intérieur, les parazoanthus jaune apporte un peu de couleur lorsqu’on les éclaire avec nos lampes. Ici se nichent aussi des cigales de mer de taille conséquente.
Durant la remontée, une centaine de barracudas nous attendent, assez fidèles du lieu paraît-il.
Il est rare de voir une faune aussi riche en une seule journée. De plus, la visibilité est parfaite et le courant est léger, juste suffisant pour apporter des nutriments et créer de l’animation. Tout est si calme et serein. En prime au retour, quelques dauphins suivent le bateau.
Au loin, le soleil débute sa descente, la silhouette de la Corse commence à se dessiner. Elle apparaît au loin, décollée de l’horizon, comme Napoléon a du l’admirer très souvent durant son éloignement.
Depuis le village de Marciana à 375 mètres d’altitude, un funiculaire assez original nous amène en dix-huit minutes au somment du Mont Capanne culminant à 1019 mètres. De là, on peut s’émerveiller d’une vue splendide à 360° de toute l’île ainsi que de l’archipel toscan, la côte étrusque et la Corse par beau temps. En bas, une saillie rocheuse surplombe la mer au point le plus proche de l’île de beauté. C’est « la Chaise de Napoléon » visible aisément par bateau. La légende veut que l’empereur y vienne contempler son île…
Non loin, l’épave de l’Elviscott repose sur son tribord entre trois et treize mètres maximum au sable. Sa longueur avoisine les trente mètres. Elle est donc accessible à tous les niveaux. Il est même possible d’y faire quelques incursions à l’intérieur en toute sécurité, pour observer les rayons de lumière intéressants qui balayent les parois. L’histoire raconte que ce cargo faisant route de Naples à Marseille ait eu une avarie mais en fait, quelques problèmes financiers de la compagnie et un coup d’assurance seraient la véritable cause de ce naufrage. Je n’ai pas vérifié…
Tout autour, quelques nacres se cachent parmi les posidonies.
Juste en face de Portoferraio, à huit minutes de navigation jusqu’à l’ilot de Scoglietto, une plongée profonde nous amène vers quarante sept mètres au milieu de gorgones rouges où Paola me montre un œuf de roussette lové parmi les polypes. La vie, l’émotion. Au passage, lors de la remontée, nous nous recueillons près d’une statue du Christ, assez stylisée, installée en 1994 à trente neuf mètres pour célébrer la nouvelle école des sous-officiers de l’aéronavale en garde des finances. La sculpture est plate, ajourée, pas très photogénique mais les éponges encroûtantes nombreuses sont particulièrement colorées. La visibilité est superbe et aucun de nous ne ressent le froid. C’est l’été en effet.
La deuxième immersion se fait environ une heure plus tard, de l’autre côté de la petite île sur le site de Grottoni. Ici, rencontre avec de nombreux mérous, des barracudas dans le bleu, un beau banc de sars qui passent plus près de nous. Sur le sol, parmi les anfractuosités couvertes de posidonies, il y a entre autres des apogons, des castagnoles, des blennies, une murène de Java, de la dentelle de Neptune et une jolie porcelaine. La mer Tyrrhénienne s’offre à nous totalement, sans retenue. Retour émerveillé par la lagune où il est possible de croiser quelques cormorans, hérons ou flamands roses.
Sur cette île d’Elbe, l’ile fumeuse et étincelante comme la nommait les anciens, le maquis embaume les eaux turquoise. L’azur du bleu environnant est ponctué de couleurs vives. Je laisse alors mon imagination s’envoler au gré du vent car il arrive que la réalité ensoleillée ne soit jamais très loin de mes songes. Bien avant moi, Napoléon a eu probablement le temps de penser aux autres et aux temps qui passent. Elbe est lointaine et si proche.
Apaisé, je m’enfuie comme un enfant, dans mes rêves enfouis comme dans un livre de belles histoires à conter.
UN BRIN DE CULTURE
Elbe est l’île du soleil et du vent, une montagne verte perdue dans la mer où les fonds cristallins se parent de mille nuances au gré des rayons du soleil changeant. Elle est la plus grande île de l’archipel toscan (28 km de long sur 19 km de large) avec 147 km de côtes, 200 plages, 224 km² de superficie et la troisième de l’Italie. Elle est située entre la Corse, distante de cinquante kilomètres, et la Toscane, en mer Tyrrhénienne. Elle est séparée de la péninsule italienne par le canal de Piombino, large d’une dizaine de kilomètres. C’est un site protégé par un Parc National, qui inclut aussi les six autres îles de l’archipel.
C’est une véritable oasis verte au cœur de l’Archipel Toscan, un territoire aux horizons infinis : des plages dorées caressées par une eau transparente, des massifs rocheux qui se perdent au milieu d’une végétation méditerranéenne, des peuples qui ont depuis toujours été bénis par le soleil.
L’île d’Elbe est une île pour les sportifs : elle offre des excursions de trekking et de VTT, différents sites de plongée sous-marine et de voile, ainsi que des circuits pour promenade à cheval. On y trouve aussi deux parcours de golf (9 trous). Elle culmine à 1 019 m par le Mont Capanne et ses carrières de granite, qui surplombe la Costa del Sole à l’ouest Elle est peuplée de 32 000 habitants.
Pour s’y rendre, se rendre à Florence ou à Pise puis prendre le bateau « Corsica Ferries » avec plusieurs départs quotidiens toutes les 30 mn de Piombino à Portoferraio avec un temps de traversée de seulement 40 mn. Une autre possibilité est celle de passer par Bastia en Corse, avec un trajet de 1.30 h, 2 fois par semaine ou plus selon la saison. Le transfert est ensuite assuré par le club ou l’hôtel.
L’île d’Elbe possède une histoire mouvementée et conserve des témoignages de toutes les époques, des Etrusques à nos jours. L’exil de Napoléon est bien sûr une étape importante qui inscrit cette île dans l’histoire de France.
INFOS PRATIQUES
A faire:
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Louer un scooter
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Aller à la Villa des Moulins (demeure de Napoléon Bonaparte), au fort Stella et au fort du Falcone à Portoferraio
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Aller au sommet du Mont Capanne puis rentrer par la côte occidentale
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Visiter la mine de fer de Calamita et rapporter de la magnétite
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Déjeuner sur le port de Porto Azzurro et boire un café à Capoliveri
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Jouer au golf
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Pratiquer surtout la plongée sous-marine
A gouter:
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La Schiaccia briaca (dessert)
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L’Aleatico (vin doux blanc ou rouge)
Centre de plongée local
Diving in Elba
Procchio – Piazza del mare, 2
(Hôtel Airone ou Hôtel Hermitage)
www.divinginelba.com
info@divinginelba.com
Tel. +39 3473715788
Remerciements
Raffaella et Massimo De Ferrari
(Hôtel Hermitage, hôtel Biodola et hôtel du Golfe)
www.hotelhermitage.it
info@hotelhermitage.it
Tel. +39 0565974811
Texte et photos d’Henri ESKENAZI
www.henrieskenazi.com